L’UE dans l’Arctique: lutter contre le changement climatique et œuvrer au développement durable à la dernière frontière de la terre
L’Arctique, la dernière frontière de glace de notre planète depuis des millénaires, fait désormais l’objet de toutes les attentions. Huit États arctiques (Canada, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède et États-Unis), qui représentent 6 % de la surface de la terre, partagent un immense territoire qui est aujourd’hui au centre de l’échiquier géopolitique en raison de son potentiel économique et de son importance stratégique. Mais l’Arctique est aussi un environnement fragile: sa population se monte à plus de quatre millions de personnes (dont 700 000 citoyens de l’UE et plus de 40 groupes ethniques autochtones différents), il se réchauffe à un rythme presque deux fois supérieur à la moyenne mondiale, et le volume des glaces marines observées en été a diminué de plus de 40 % depuis 1979.
Préoccupée par cette situation critique, l’Union européenne coordonne les efforts visant à maintenir une région arctique sûre, stable, durable et prospère. La politique intégrée de l’UE pour l’Arctique est axée sur trois grandes priorités: faire progresser la coopération internationale pour répondre aux effets du changement climatique, favoriser le développement durable dans la région et y contribuer.
Dans un récent entretien, Mme Marie-Anne Coninsx, ambassadrice de l’UE chargée de mission pour l’Arctique, a déclaré à cet égard: «Souvent, la compréhension que l’on a de l’Arctique est incomplète. L’image qui vient immédiatement à l’esprit des gens est un ours polaire sur une banquise en train de fondre. Mais ce que l’on sait moins, c’est que l’Arctique héberge des villes et des communautés dynamiques, des parcs industriels, des universités… On ne peut donc pas dire qu’aucun développement économique ne saurait y prendre place. En revanche, nous plaidons pour un développement durable.»
Cela dit, au-delà des notions abstraites, à quoi ressemble la politique arctique de l’UE sur le terrain? Le forum de l’UE sur l’Arctique, qui se tiendra à Umeå (Suède) les 3 et 4 octobre, est une bonne occasion d’évaluer les avancées récentes enregistrées et les défis qui nous attendent. Depuis des projets scientifiques novateurs jusqu’à des initiatives consacrées à l’énergie verte en passant par la connectivité, le soutien aux PME de l’Arctique et les politiques appliquées de l’UE dans le domaine spatial, ce sont des dizaines de projets financés par l’UE, couvrant un grand nombre de domaines, qui sont actuellement menés dans la région. Voici cinq exemples parmi les plus représentatifs des actions menées par l’UE dans la région la plus reculée du globe.
Nunataryuk: s’attaquer à la fonte du pergélisol de l’Arctique
Les sols des côtes de l’Arctique recouvertes de pergélisol (permafrost) constituent 34 % des côtes mondiales. Or ces sols sous-marins gelés toute l’année se réchauffent à un rythme beaucoup plus soutenu que prévu, avec des conséquences inquiétantes pour notre planète. Le dégel du pergélisol redessine le paysage arctique et affecte les communautés locales, dont les moyens de subsistance dépendent des ressources marines, et il libère dans l’atmosphère du dioxyde de carbone qui alimente le réchauffement climatique mondial.
Le projet Nunataryuk de l’UE (lien externe), financé par le programme Horizon 2020, réunit plusieurs spécialistes européens et internationaux de haut niveau de la côte arctique chargés de trouver une solution à cette question urgente (Nunataryuk signifie «de la terre à la mer» en inuvialuit, une langue autochtone du nord-ouest du Canada). L’objectif principal est de recenser les effets qu’a le dégel du pergélisol sur le climat au niveau mondial et sur les populations locales et d’élaborer ensemble des stratégies ciblées d’atténuation et d’adaptation.
Le projet Nunataryuk fait partie de l’«Arctic Cluster» de l’UE (lien externe), un réseau de projets financés par Horizon 2020 qui compte actuellement 11 initiatives de recherche portant sur un large éventail de questions liées à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à celui-ci.
Les satellites Copernicus pour aider les éleveurs de rennes de Laponie
Les satellites du programme d’observation de la Terre de la Commission européenne ont de nombreuses applications, dont certaines contribuent à préserver des modes de vie durables dans l’Arctique. Les populations autochtones de l’Arctique pratiquent l’élevage de rennes depuis des millénaires. Chaque printemps et chaque automne, les éleveurs de rennes migrent avec leurs animaux et parcourent des milliers de kilomètres entre leurs pâturages d’été et d’hiver. Or le changement climatique rendant encore moins prévisible la fonte printanière, il est encore plus difficile pour les éleveurs de trouver des routes et des zones de migration potentielles là où la couverture neigeuse a déjà disparu. Actuellement les satellites Copernicus fournissent quotidiennement aux éleveurs de rennes (lien externe) des cartes de la couverture neigeuse élaborées à partir de données satellitaires, qui les aident à mieux comprendre les changements auxquels est soumis l’Arctique.
Dans un même temps, l’UE finance des projets régionaux axés sur des solutions fondées sur l’internet des objets (IdO) visant à suivre la trace des troupeaux de rennes qui, traditionnellement, se sont toujours déplacés librement à travers la toundra et les forêts. Grâce à des colliers sans fil portés par les animaux, leurs propriétaires peuvent les localiser et surveiller leur bien-être en temps réel.
La région arctique et ses routes maritimes. Source: Conseil de l'Arctique.
«RemoAge»: soutien aux personnes âgées vivant dans des zones arctiques reculées
Les personnes âgées qui vivent dans des zones reculées et peu peuplées des régions arctiques européennes sont confrontées à deux difficultés: les longues distances et les ressources limitées. Le projet «RemoAge» (lien externe) (lien externe), financé par l’UE, les aide à surmonter ces obstacles grâce à des bouquets de services mettant à leur disposition des aides familiales, du personnel de santé et des solutions numériques, qui leur apportent une assistance directe et personnalisée dans la vie de tous les jours.
Le programme, élaboré conjointement par les partenaires de la Suède, de la Norvège, de l’Écosse continentale, des Îles Hébrides, des Îles Shetland, des Îles Féroé et de l’Irlande du Nord, cible plus particulièrement les personnes âgées fragiles, notamment celles qui sont atteintes de démence. RemoAge est l’un des plus de cent projets inclus dans le programme «Northern Periphery and Arctic 2014-2020» (programme périphérie nord et arctique), soutenu par le Fonds européen de développement régional (FEDER).
Aider les PME de l’Arctique à prospérer dans un environnement complexe
Il est parfois difficile d’être un entrepreneur dans un milieu extrême tel que l’Arctique. C’est pourquoi l’Union européenne finance plusieurs projets qui aident les petites et moyennes entreprises (PME) à développer et à diversifier leurs activités.
L’un d’eux, intitulé Northern Cereals – New Markets for a Changing Environment (CEREAL) (Céréales dans la zone septentrionale — Nouveaux marchés pour un environnement en mutation) (lien externe), est un projet de coopération transnationale visant à aider les agriculteurs de régions reculées à mieux s’adapter au changement climatique et à renforcer la durabilité pour stimuler la production céréalière locale. Un réchauffement des conditions de culture, une amélioration des variétés et des technologies ainsi que des préoccupations croissantes quant à la durabilité créent de nouvelles perspectives pour une croissance de la production céréalière dans les zones septentrionales. Il est crucial que les différents partenaires — provenant de l’Islande, de la Norvège septentrionale, des Îles Féroé, de l’Écosse et du Canada — échangent leurs connaissances dans le cadre d’un projet qui a déjà contribué à augmenter le nombre d’agriculteurs produisant des produits céréaliers à valeur élevée dans ces régions et, partant, à accroître l’emploi local, les revenus et le choix offert aux consommateurs dans les zones rurales.
Un autre exemple de projet soutenant les économies arctiques locales est le projet ARCTISEN (lien externe) - «Culturally Sensitive Tourism in the Arctic» (Un tourisme respectueux des spécificités culturelles en Arctique), une initiative financée par l’UE qui soutient les start-up et les PME proposant des produits et services touristiques innovants. L’objectif principal est d’accroître l’intérêt touristique pour l’Arctique, avec à la clé des «possibilités inédites de préserver les sources de revenus et les styles de vie locaux».
Une autre priorité de la politique arctique de l’UE est de soutenir les activités qui tiennent compte de la dimension du genre. Le projet W-Power (lien externe), qui fait aussi partie du programme «Northern Periphery and Arctic», est doté d'une enveloppe de 1,3 million d’euros et vise à soutenir de nouvelles start-up dirigées par des femmes dans les régions nordique et arctique.
Des filets de pêche en matière plastique échoués sur les rochers en Norvège. Source: Circular Ocean.
Utiliser les déchets marins en matière plastique pour développer des industries «vertes» intelligentes
Les communautés de l’Arctique qui pratiquent la pêche traditionnelle, en déclin, voient leur mode de vie et la beauté de la vie sauvage menacés: des quantités toujours plus grandes de déchets en plastique provenant de la pêche s’amoncellent sur leurs côtes. Que peut-on faire? Le projet intitulé «Circular Ocean» (lien externe) financé par l’UE propose une solution: utiliser ces cordes et filets de pêche usés en matière plastique, qui représentent 10 % des déchets marins, pour développer des industries «vertes» intelligentes. Ces déchets constituent une ressource potentielle pour de nombreuses industries: ils peuvent être intégrés dans différents produits, depuis les vêtements jusqu’aux skate-boards.
Le projet, financé par le Fonds européen de développement régional, contribue ainsi à nettoyer l’environnement et à recycler les déchets marins tout en revitalisant ces économies arctiques éloignées.