"L'UE n'oublie pas les crises qui sévissent dans d'autres régions du monde, bien qu'elle soit confrontée à la pire menace pesant sur la sécurité européenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale."

En Europe, notre attention est très largement concentrée sur l'agression de l'Ukraine par la Russie et ses conséquences pour la sécurité européenne. Mais les autres crises et problématiques mondiales n'ont pas pris fin pour autant. Bien au contraire, elles ont souvent été aggravées par les répercussions de cette guerre. Plus que jamais, nous devons continuer d'œuvrer avec nos partenaires partout dans le monde pour défendre l'ordre fondé sur des règles et poursuivre nos efforts visant à relever les défis mondiaux. À cette fin, le partenariat étroit entre l'UE et l'Afrique est primordial.

Le Mozambique et le terrorisme dans la province de Cabo Delgado

C'est la situation dans cette province qui a constitué la toile de fond de ma visite de deux jours au Mozambique. Le Mozambique est un pays côtier, situé en Afrique australe, dont la superficie est supérieure à celle de n'importe quel pays de l'UE et qui compte environ 30 millions d'habitants. Au vu de sa croissance démographique rapide (6 enfants par femme en moyenne), sa population devrait doubler d'ici 2050 (aujourd'hui, près de la moitié de ses habitants a déjà moins de 14 ans). Selon son indice de développement humain, le Mozambique est classé 181^e sur 189 pays et son taux de pauvreté est supérieur à 60 %. Après son indépendance du Portugal en 1975, le Mozambique a traversé une longue guerre civile, qui s'est achevée en 1992, mais ce n'est qu'en 2019 qu'un accord "définitif" de paix et de réconciliation a été conclu. Ma prédécesseure, Federica Mogherini, s'est rendue à Maputo pour assister à la signature de cet accord historique, que l'UE a largement soutenu.

Si l'accord continue d'être respecté sur la majeure partie du territoire, la province septentrionale de Cabo Delgado est le théâtre d'attaques armées depuis 2017, ce qui a conduit à une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent. À la suite des combats, il y a eu plus de 4 000 morts, quelque 950 000 personnes sont devenues des déplacés internes et 1,5 million de personnes ont besoin d'une aide humanitaire dans cette région. Cette insurrection est encouragée et menée par l'EIIL/Daech, même si des doléances exprimées au niveau local et des causes profondes internes jouent aussi un rôle important à cet égard. Des combattants étrangers sont impliqués, et leur transit vers la province de Cabo Delgado présente des risques pour les pays voisins. Compte tenu de cette instabilité, la région est devenue un haut lieu de la criminalité organisée: trafic d'héroïne, d'espèces sauvages, de bois et de pierres précieuses, par exemple, non seulement au Mozambique, mais aussi dans toute la région d'Afrique australe.

Après l'établissement d'une mission de formation de l'UE et le déploiement, en 2021, de troupes rwandaises et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (CDAA) dans la province de Cabo Delgado afin d'appuyer les efforts déployés par l'armée mozambicaine, ces groupes armés ont temporairement perdu l'initiative. Néanmoins, des incidents de sécurité ont continué de se produire dans la province, les groupes armés s'étant dispersés et ayant changé de tactique.

Mission de formation de l'UE

L'EUTM Mozambique, qui a été lancée en novembre 2021, constitue un élément essentiel de l'engagement qu'a pris l'UE d'aider le Mozambique à lutter contre ce terrorisme. Au cours des deux années à venir, la mission formera onze unités de l'armée mozambicaine (commandos et fusiliers marins), qui feront partie d'une future force de réaction rapide. Outre une formation militaire, l'EUTM dispense également une formation sur les droits de l'homme et le droit international humanitaire, en coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations pertinentes des Nations unies. Dix États membres de l'UE participent à la mission, le nombre de soldats déployés s'élevant actuellement à 110. La mission est désormais pleinement opérationnelle et elle a déjà formé 600 soldats. Lors de mon déplacement au Mozambique, j'ai visité la mission pour remettre des équipements financés par la facilité européenne pour la paix (FEP) et assister à une cérémonie de passation de commandement.

Sur toutes ces questions, nous travaillons en étroite collaboration avec la mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe au Mozambique (SAMIM) et, lors de ma visite, j'ai annoncé la décision de l'UE de fournir 15 millions d'euros à la mission, en plus des 89 millions d'euros d'aide versés au titre de la FEP. C'est la toute première fois que nous assurons la formation de soldats tout en leur fournissant dans le même temps des équipements. Au cours des semaines à venir, j'espère que nos États membres marqueront également leur accord sur ma proposition visant à soutenir la mission militaire rwandaise, dont le rôle a été décisif pour améliorer la situation dans la province de Cabo Delgado.

Gagner la guerre, mais aussi la paix

Cependant, nous savons qu'il n'est pas possible de remporter la guerre contre le terrorisme uniquement avec des soldats et des armes. Pour gagner ce type de guerre, il faut également gagner la paix. C'est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement du Mozambique pour couvrir tout l'éventail d'actions sur les plans humanitaire, du développement, de la sécurité et de la consolidation de la paix. Parallèlement au soutien que nous apportons en matière de sécurité, nous mettons l'accent sur l'éducation, l'accès à l'eau et à l'assainissement, l'énergie, l'alimentation et le changement climatique. Une enveloppe de 428 millions d'euros est notamment mise à disposition pour la période 2021-2024, qui vient s'ajouter aux quelque 36 millions d'euros fournis au titre de l'aide humanitaire (essentiellement à destination de la province de Cabo Delgado depuis 2021).

Au Mozambique, des journalistes m'ont demandé si le soutien que nous apportons à la lutte contre le terrorisme dans la province de Cabo Delgado est lié aux réserves de gaz dans la région. Ma réponse a été claire: les gisements de gaz découverts au Mozambique doivent profiter en priorité à la population mozambicaine, même s'ils peuvent également contribuer à faire face à la crise énergétique et à la demande d'énergie à l'échelle mondiale. Mais ce n'est pas la principale raison de notre mobilisation au Mozambique. La sécurité de l'Europe commence dans des régions parfois éloignées de plusieurs milliers de kilomètres. La crise somalienne a eu de profondes répercussions sur les pays voisins et le trafic maritime dans la Corne de l'Afrique, et la crise au Sahel, qui a débuté dans une zone limitée, s'est aussi rapidement propagée à l'ensemble de la région. Nous devons contribuer à éviter qu'une telle déstabilisation à grande échelle ne se reproduise ailleurs sur le continent. C'est la raison pour laquelle pour appuyons les efforts déployés par le Mozambique dans la province de Cabo Delgado.

Œuvrer ensemble pour défendre le multilatéralisme et un système international fondé sur des règles

Je me suis entretenu de ces questions avec le président du Mozambique et les ministres des affaires étrangères et de la défense. Nos échanges ont également porté sur la manière de renforcer notre partenariat sur la scène internationale dans le contexte de l'élection du Mozambique en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU à compter de l'année prochaine. Tant le Mozambique que l'UE sont conscients que le multilatéralisme doit être renforcé à l'heure où la Russie provoque des ondes de choc dans le monde entier en réduisant à néant les principes fondamentaux de l'ordre fondé sur des règles.