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Déclaration préliminaire de la MOE UE Sénégal 2024

26.03.2024

Une élection bien organisée et ouverte qui a montré la solidité des institutions démocratiques sénégalaises, de même qu’un besoin accru de transparence

Le 24 mars 2024, les Sénégalais ont été appelés à voter pour élire leur cinquième Président de la République. Dans l'ensemble, le scrutin a été bien organisé et marqué par une affluence matinale. Les électeurs ont pu faire leur choix librement dans une ambiance paisible et ordonnée.

Le vote a été évalué très positivement par les observateurs et les procédures ont généralement été respectées dans les bureaux de vote observés. Des représentants des candidats ont été vus dans l’ensemble des bureaux de vote, notamment ceux des candidats Amadou Ba et Bassirou Diomaye Faye qui étaient présents dans plus de 90 % des bureaux de vote (BV) observés, contribuant à la transparence du processus. La Commission électorale nationale autonome (CENA) a déployé plus de 20 000 contrôleurs et superviseurs sur l’ensemble du pays. Les procédures de dépouillement ont été effectuées correctement et de manière transparente dans les BV observés et les travaux des commissions départementales de recensement des votes ont été bien organisés.

En attendant l’annonce officielle des résultats définitifs par le Conseil constitutionnel, la société civile, les partis politiques et les médias ont compilé des procès-verbaux de résultats provisoires. Les premières estimations indiquent une victoire du candidat Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour. Plusieurs candidats à l’élection, y compris Amadou Ba, le candidat de la mouvance présidentielle, se sont exprimés pour féliciter Bassirou Diomaye Faye pour sa probable élection dès le premier tour. Ceci a contribué à un climat post-électoral pacifique.

Le processus électoral a été fortement impacté par une crise politique majeure dont le pays est sorti par le haut grâce à la résilience de l’état de droit au Sénégal et par une élection ouverte. L’élection présidentielle devait initialement se tenir le 25 février 2024, cependant, le 3 février, le Président de la République a annoncé un report de l’élection sine die, provoquant un refus de 16 des 19 candidats d’un report au-delà de la fin du mandat présidentiel le 2 avril 2024, ainsi que des manifestations qui ont occasionné quatre décès. Le Conseil constitutionnel est intervenu pour rappeler notamment le principe de l’intangibilité de la durée du mandat présidentiel et la convocation par la Présidence du corps électoral au 24 mars a permis de pacifier l’espace politique malgré une campagne électorale écourtée. A la suite de la promulgation d’une loi d’amnistie votée le 6 mars, la libération de l’opposant Ousmane Sonko et du candidat Bassirou Diomaye Faye le 14 mars a également contribué à l’apaisement lors de la dernière semaine de campagne électorale.

Le cadre juridique des élections est très complet, cependant l’absence d’encadrement du financement de la campagne électorale constitue une lacune importante. Durant la crise politique et électorale, les voies de recours juridictionnels ont été largement privilégiées et le Conseil constitutionnel, en tant que juge électoral et constitutionnel, a tenu un rôle prépondérant dans la sortie de crise. De nombreux recours ont été déposés devant le Conseil constitutionnel et la Cour suprême, donnant lieu à l’établissement d’un cadre clair pour l’organisation du scrutin.

L'administration électorale comprend le ministère de l'Intérieur, la Commission électorale nationale autonome (CENA), le Conseil constitutionnel et la Cour d'appel de Dakar. La capacité du ministère à mettre en oeuvre les préparatifs techniques de manière efficace est largement reconnue. Cependant, des informations clés, notamment sur le fichier électoral ou la carte électorale, n’ont pas été partagées avec diverses parties prenantes et les citoyens, soulignant un besoin accru de transparence du processus électoral.

Selon les données du ministère de l'Intérieur, le fichier électoral, à la suite d’une période d’actualisation de 21 jours seulement en avril 2023, comprend 7 371 890 électeurs dont 338 040 à l'étranger. Fait marquant, près de 50 % des jeunes de 18 à 30 ans ne sont pas inscrits sur le fichier électoral. Bien que suffisant pour la tenue d’élections, le fichier électoral comporte diverses faiblesses, dont l'absence de données officielles sur son évolution et son indisponibilité pour les candidats potentiels lors de la collecte du parrainage, qui ont réduit la confiance des parties prenantes dans sa fiabilité. La distribution des cartes d'électeur issues de la dernière Révision exceptionnelle des listes électorales (RELE) a été affectée par l'interruption du processus, et près de 60 % des cartes seulement ont pu être délivrées.

Sur 93 candidatures déposées, 21 ont passé le filtre du parrainage dans une procédure de validation menée par le Conseil constitutionnel et contestée par de nombreux candidats. En raison de l'interdiction légale de parrainer plusieurs candidats, le Conseil constitutionnel utilise une solution technique peu adaptée vérifiant les données transcrites de chaque parrain par rapport au fichier électoral. Pour la première fois, outre le parrainage citoyen, un parrainage par des élus pouvait également être utilisé. Après le rejet de la candidature de Karim Wade et le retrait de la candidate Rose Wardini, tous deux pour binationalité, le nombre de candidats a été réduit à 19, représentant toutefois, dans une élection ouverte, un nombre inédit de candidatures validées par rapport aux élections présidentielles précédentes.

La campagne électorale s’est déroulée du 9 au 22 mars, dans un climat généralement apaisé. Cependant, sa durée a été de seulement 14 jours au lieu des 21 jours prévus par le Code électoral en raison de la crise politique. Les contraintes liées au contexte du Ramadan et au nombre limité de jours ont affecté la capacité des candidats à se déployer sur l’ensemble du territoire et impacté les méthodes de campagne, les caravanes étant largement privilégiées.

Le paysage médiatique est pluraliste et dynamique mais l’exercice de la liberté d’expression et de la presse s’est sévèrement dégradé depuis 2021, avec de multiples cas d’arrestation de journalistes et plusieurs suspensions de signal de Walf TV et Sen TV entre 2021 et 2024. La période électorale a renforcé le poids de l’exécutif sur les médias au moment de la coupure de signal et du retrait de licence de diffusion du groupe Walfadiri le 4 février, rétablie le 11 février. Si les médias publics et le régulateur ont assuré la visibilité des 19 campagnes malgré la détention de l’un des candidats, la place du gouvernement y a été disproportionnée. Les médias privés ont globalement donné accès à l’ensemble des candidats en dépit de disparités dans la couverture. Enfin, le régulateur n'a pas organisé de débat télévisé entre les candidats, privant les Sénégalais d’une occasion majeure de se former une opinion.

L’accès à l’information en ligne a été fortement restreint à plusieurs reprises en février 2024 par des suspensions temporaires de l’Internet mobile imposées par le gouvernement pour des motifs de maintien de l’ordre public, et selon des modalités contraires à la Constitution et aux normes internationales. En dehors de ces suspensions, les plateformes digitales et les réseaux sociaux ont positivement contribué à garantir aux citoyens un accès à l’information alternatif. Les candidats ont utilisé plusieurs réseaux sociaux, en particulier Facebook, pour s’adresser aux citoyens. Des cas de manipulation de l’information d’ampleur limitée ont fait surface sur les réseaux sociaux.

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