Chaque année, le Service européen pour l’action extérieure publie un rapport offrant un aperçu des efforts et des réalisations de l’UE, ainsi que des défis auxquels elle est confrontée pour promouvoir un monde où les droits de l’homme et les principes démocratiques seraient respectés, et la dignité et la liberté de chaque individu préservées. A ce rapport est annexé un état des lieux par pays, dont vous trouverez ci-dessous le chapitre concernant Madagascar.
Dans le contexte de crises mondiales multiformes, y compris la poursuite des conflits sur le continent européen, la résurgence des conflits dans le voisinage et dans de nombreuses autres régions du monde, l’Union européenne continue de jouer un rôle central dans la résolution des problèmes urgents liés aux violations des droits de l’homme, au recul de la démocratie et à la prise en compte des nouveaux défis de notre monde de plus en plus numérisé. Le présent rapport décrit les efforts déployés par l’UE pour relever ces défis émergents, faire progresser la justice et renforcer son engagement en faveur d’un ordre international et d’un multilatéralisme fondés sur des règles.
Le rapport suit la structure du plan d’action en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, qui encadre les actions de l’UE dans ce domaine.
République de Madagascar
1. Vue d'ensemble de la situation des droits de l'homme et de la démocratie: La situation à Madagascar présente un certain nombre de défis, notamment l'extrême pauvreté, la corruption généralisée, la vulnérabilité au changement climatique, l'insécurité croissante, principalement dans les zones rurales, le manque d'accès aux soins de santé primaire et à l'éducation, l'insécurité alimentaire et de très mauvaises conditions de détention.
Les élections présidentielles ont eu lieu le 16 novembre 2023 dans un environnement tendu. Le président sortant, Andry Rajoelina, a été réélu au premier tour. De sérieux obstacles aux possibilités de campagne des candidats de l'opposition et des limitations aux manifestations pacifiques ont été relevés, ainsi qu'un recours disproportionné à la violence par les forces de sécurité à l'approche des élections. Enfin, 10 candidats présidentiels sur 13 ont appelé les électeurs à boycotter les urnes. Les précédentes recommandations d’adaptation du cadre électoral, y compris par les missions électorales de l’UE, n’avaient pas été mises en œuvre. Les observations formulées à l’encontre du processus électoral, notamment par la plus grande plateforme d’observation nationale, «Safidy» (soutenue par l’UE), ont fait état d’irrégularités, entre autres, et des groupes de la société civile ont mis en doute la crédibilité globale des élections. Une mission d'experts électoraux de l'UE a relevé des lacunes dans le cadre et le processus électoraux. Plusieurs missions internationales d’observation électorale ou d’experts ont souligné la nécessité d’établir un dialogue afin de créer des conditions favorables pour les prochaines élections législatives et locales.
Des progrès ont été accomplis en 2023 dans le domaine de la protection des femmes contre la violence fondée sur le genre avec la publication d'un nouveau décret complétant le cadre juridique et d'un guide opérationnel (soutenu par l'UE) pour les services aux victimes. Néanmoins, la faible qualité de ces services reste un défi. De nouvelles politiques nationales sur les questions d'égalité des sexes sont en cours d'élaboration. L'influence des hommes d'affaires et des politiciens, qui possèdent la plupart des médias, est un obstacle à une couverture impartiale des événements politiques. L'accès à l'information est limité et des cas de violence et d'intimidation à l'encontre de journalistes ont été relevés, en particulier dans le contexte électoral. La crise nutritionnelle s’est poursuivie, le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire ayant augmenté de 38 % en 2023. Alors que la situation dans le Grand Sud s’est légèrement améliorée, la situation dans le Grand Sud-Est s’est détériorée.
En 2023, une augmentation des cas de VIH a été constatée. Si le pourcentage de personnes infectées dans le pays reste très faible (moins de 0,5 %), une forte augmentation pourrait se produire si le problème reste négligé.
Le travail de la société civile est devenu plus difficile, en raison de pressions et d'intimidations, notamment dans le cas de conflits fonciers, mais aussi dans le contexte électoral. Des efforts ont été déployés pour remédier au problème de la surpopulation carcérale, des conditions carcérales et de la forte proportion de personnes en détention provisoire. Un programme a été lancé par le ministère de la Justice (financé par l'Agence française de développement) pour améliorer les conditions de détention, l'administration pénitentiaire et la réinsertion sociale des détenus. Les juges ont été encouragés à choisir des mesures de substitution à la détention provisoire et à accélérer les procès. Les établissements pénitentiaires nouveaux ou agrandis visent à atténuer la surpopulation carcérale. Néanmoins, les conditions carcérales actuelles ne respectent pas les normes internationales.
Un problème persistant et important est la corruption, à tous les niveaux. Les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits de l’homme ne bénéficient pas d’une protection efficace et un projet de loi visant à les protéger est toujours en attente. La violence liée à la criminalité augmente, en particulier dans les zones rurales, ce qui conduit à une « justice populaire » et à des cas où des suspects sont tués par les forces de sécurité.
2. Action de l'UE - domaines prioritaires: En 2023, l’action de l’UE visait à contribuer à bâtir une société résiliente, inclusive et démocratique en soutenant les institutions et la société civile, y compris dans le contexte des élections présidentielles. Des mesures concrètes ont été prises, par exemple, dans les domaines de la responsabilité de l'État, des soins de santé et de la formation professionnelle, avec une composante sexospécifique. Le renforcement de la société civile est un autre domaine d'intervention. Un nouveau projet a été signé dans le domaine des droits de l’enfant. Les projets en cours sont liés au soutien au dialogue par l’intermédiaire des médias, à la lutte contre la corruption, à l’observation des élections, à la citoyenneté active et à la violence fondée sur le genre.
3. Engagement politique bilatéral de l'UE: Le respect des droits de l'homme est un élément essentiel du dialogue politique de l'UE avec Madagascar. Lors de la cinquième réunion de dialogue politique qui s'est tenue sous la coprésidence d'Andry Rajoelina en août 2023, l'UE a encouragé l'amélioration du cadre électoral. L'UE a également mis l'accent sur des questions spécifiques relatives aux droits de l'homme, telles que les droits des lanceurs d'alerte, des défenseurs des droits de l'homme et le droit à l'information. Ces questions et d'autres questions relatives aux droits de l'homme ont également été mises en évidence au cours de plusieurs réunions avec des représentants des autorités malgaches et de la société civile tout au long de l'année.
L'UE a travaillé avec divers acteurs internationaux affinitaires dans le cadre de réunions et de démarches coordonnées ou conjointes dans le domaine des élections et d'autres questions relatives aux droits de l'homme. En avril, une déclaration a été publiée au sujet des limitations disproportionnées du droit de réunion pacifique. Quatre déclarations locales conjointes sur des questions liées à l'élection présidentielle ont été publiées entre septembre et décembre. En outre, le 11 novembre, le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité / Vice-président de la Commission a publié une déclaration appelant tous les acteurs à s'abstenir de toute violence, encourageant le dialogue et soulignant l'importance du respect des libertés civiles et d'un processus électoral transparent et crédible.
4. Engagement financier de l’UE: L’instrument européen pour la démocratie et les droits de l’homme (IEDDH) et les dotations par pays des OSC ont financé divers projets accompagnant les populations vulnérables: les personnes handicapées, les enfants, les femmes et les jeunes. Fin 2023, un nouveau projet axé sur la promotion et la protection des droits des « enfants en conflit avec la loi » dans cinq régions de Madagascar a été lancé. Madagascar a également été inclus dans le projet « Action contre le travail des enfants », sur les fonds régionaux de l'IEDDH. Les projets financés par l'OSC-IEDDH ont poursuivi leur cheminement, y compris ceux qui soutiennent une information libre et équitable, une citoyenneté active, la lutte contre la corruption et le soutien à l'observation électorale par la société civile malgache.
5.Contexte multilatéral: Madagascar a ratifié les principaux instruments internationaux de protection des droits de l'homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Au niveau régional, Madagascar est signataire de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Tout au long de l’année 2023, l’UE et ses États membres ont continué de coopérer avec les agences des Nations unies représentées à Madagascar et de les soutenir.