Clôture de la phase 1 de PMSAN : allocution du chef de la délégation de l'UE en Haïti
Bonjou tout moun. Mwen se Stefano Gatto, Anbasadè Inyon Ewopeyèn an Ayiti.
(Bonjour à toutes et tous, je suis Stefano Gatto, ambassadeur de l'Union Européenne en Haïti).
Nous sommes réunis aujourd’hui pour la clôture du Programme Multisectoriel de Sécurité Alimentaire et Nutritionnel (PMSAN). Dans ce contexte, je voudrais souligner que le Fond Européen de Développement a été jusqu’à date, le principal instrument de l’Union Européenne pour l’aide au développement dans 79 pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
En effet, l’enveloppe du 11ième et dernier FED, valide pour la période allant de 2014 à 2020, s’élevait à 30,5 milliards d’euros. Dans cette enveloppe, le budget d’appui à Haïti a été de 400 millions d’euros pour la même période, soit 50% du budget de l’aide au développement de l’Union Européenne pour la Caraïbe. Ces chiffres témoignent de l’engagement et la solidarité du peuple européen avec la population d’Haïti.
Dans ce cadre budgétaire et temporaire, et en lien avec le Plan Stratégique de Développement d’Haïti, le dernier Programme Indicative Pluriannuel de l’Union Européenne a privilégié quatre secteurs d’intervention, dont celui de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
En ce sens, une enveloppe de 51 millions d’euros a été mobilisée pour le « Programme Multisectoriel de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (PMSAN) » visant les populations les plus vulnérables, dont, nous participons aujourd’hui à sa clôture.
Ce programme expérimental qui a démarré en 2018, a utilisé une approche intersectorielle innovante de la SAN qui mobilise quatre ministères clés au niveau national.
Ces ministères sont :
- Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe,
- Le Ministère de la Santé Public et de la Population,
- Le Ministère des Affaires Sociales et du Travail, et
- Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural.
Depuis le Sommet Mondial sur l’Alimentation de 1996, Haïti a formellement pris la décision de lutter contre la faim et l’insécurité alimentaire. Engagement qui s’est traduit par l’adoption de plusieurs politiques qui s’alignent sur les Objectifs de Développement Durable adopté par l'Organisation des Nations Unies en septembre 2015.
Parmi ces politiques et plans, je voudrais nommer:
- La Politique et Stratégie Nationales de Souveraineté et Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle,
- La Politique de Protection et Promotion Sociale,
- La Politique et Stratégie Nationales d’Alimentation Scolaire, et
- Le Plan Directeur du Ministère de la Santé Publique pour la période 2021 à 2031.
L’Union Européenne a contribué à l’élaboration de ces politiques et plans importants pour la nation, et appuyé la Coordination National de Sécurité Alimentaire (CNSA) dans le calcul de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC), indicateur de l’état de la SAN du pays. En outre, elle a contribué financièrement à l’élaboration de la feuille de route pour la transformation des systèmes alimentaires. Instrument très important qui fait suite à la participation d’Haïti au Sommet Mondial sur les systèmes alimentaires en 2021, dont le contenu a été récemment actualisé pour l’exercice 2023-2025. Tout en cohérence avec les politiques et plans précités.
Ainsi, comme on peut le voir ci-dessus, la Gouvernance intersectorielle de la SAN (volet 1 du Programme) et l’accès aux services de base (volet 2) ont été renforcés et améliorés. En matière de Gouvernance, des avancées notoires ont été obtenues, tels que :
- Les tables de concertations départementales et communales ainsi que les tables sectorielles et comités techniques de nutrition ont été relancés dans les zones d’intervention.
- Le personnel en charge de donner du service aux populations en matière de santé et nutrition, de protection et promotion sociale et d’agriculture, a été renforcé en nombre et en qualité.
- Des infrastructures de base ont été rendues plus fonctionnelles pour permettre aux cadres de travailler dans de meilleures conditions ; réhabilitation et construction de bâtiments, achats d’équipements de santé, de matériels informatiques, de kits solaires, etc. et enfin,
- Des études techniques et formations spécialisées ont été menées dans différents domaines pour :
- Appuyer la mise en place du futur système d’informations de la SAN et la mesure des progrès de l’État vers l’atteinte des ODD (Objectives de Développement Durable),
- Analyser la performance et potentialités des associations d’épargne et de crédit, et
- Analyser les chaînes de valeur, entre autres.
Pour le volet 2 du Programme, l’accès aux services de base, je veux souligner que les efforts conjugués de 7 consortiums d’ONGs et de l’UNICEF dans les 10 communes du département du Nord-Ouest et les 3 communes de l’arrondissement de GrosMorne ont permis notamment:
- De renforcer les capacités de 10 000 producteurs,
- D’irriguer plus que 2 000 hectares et de planter ½ millions d’arbres forestiers et fruitiers,
- De créer des emplois temporaires pour plus que 50 000 ménages les plus vulnérables via,les travaux à haute intensité de main d’œuvre, utiles à la communauté (pistes rurales et travaux de stabilisation des terres),
- D’intégrer presque 5 000 ménages vulnérables dans un dispositif de transferts monétaires,
- De référencer 2 500 ménages détectés avec des enfants en état de malnutrition aigüe modérée vers les structures d’aide du Ministère des Affaires Sociales et du Travail,
- D’appuyer les prestataires de soins dans la prise en charge de presque 7 000 femmes enceintes et allaitantes et de presque 11 000 enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition, et
- De faciliter presque 26 000 visites domiciliaires des agents de santé communautaires polyvalent auprès des ménages en difficultés.
Toutes ces actions qu’il serait ici trop long de détailler, que ce soient pour améliorer la gouvernance ou l’accès aux services de base se sont réalisées dans un contexte extrêmement difficile. Plusieurs des opérateurs et cadres ont eu à faire face à des situations de stress et ont été confrontés parfois directement à la violence des gangs.
Nous nous devons de reconnaitre leurs efforts et de les remercier au nom de tous les bénéficiaires. Je vous demande de les applaudir très chaleureusement.
Malgré les efforts notables accomplis dans différents secteurs, il reste à Haïti du chemin à parcourir pour pérenniser les structures et mécanismes interinstitutionnels qui pourront assurer une prise en compte optimalisée de la SAN.
Les résultats des réflexions et les leçons tirées du PMSAN synthétisées dans l’ouvrage de capitalisation, sont une base de travail riche pour chacune des institutions impliquées dans la gouvernance et la mise en œuvre de la Politique et Stratégie Nationales de Souveraineté et Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle en Haïti. Quelques-unes des principales leçons tirées sur lesquelles je voudrai ce jour attirer l’attention, sont les suivantes :
- L’essentialité pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable qu’Haïti, coute que coute, maintienne ses ressources humaines et leur consacre des moyens pour qu’ils puissent correctement accomplir leurs tâches en faveur des communautés qu’ils desservent.
- La continuité du dialogue et de la coordination intersectorielle, indispensable pour durablement adresser les problèmes de la SAN.
- Parce que la promotion et protection de la production locale nous intéresse pour rendre Haïti moins dépendante et plus souveraine, il est essentiel d’intégrer dans les réflexions au Ministère de Commerce.
- Également, parce que la création d’emplois pour les femmes et les jeunes nous préoccupe, il est essentiel d’intégrer le Ministère à la Condition Féminine et aux Droits de la Femme.
- Enfin mais pas moins important, l’information sur la SAN doit être disponible et fiable.
- Le travail qui reste à faire ne s’arrête pas avec le Programme Multisectoriel de la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle mais se poursuit avec la mise en œuvre de vos politiques et plans d’action. Nous nous devons donc de poursuivre et de redoubler nos efforts.
Il y a URGENCE et c’est, ne l’oublions pas, au bénéficie direct d’une proportion malheureusement sans cesse croissante de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est un défi majeur pour le Gouvernement mais aussi un défi individuel pour chacun de nous.
L’Union Européenne de son côté, continuera avec sa contribution pour que la stabilité économique, sociale et politique se réinstalle et permette à toutes et à tous sans exclusion, d’avoir une vie épanouie dans un environnement propice et sain.
En ce sens, avec un engagement de 37 millions d’euros, je suis heureux d’annoncer déjà la seconde phase du Programme Multisectoriel de Sécurité alimentaire et Nutritionnelle, qui va consolider les résultats de la première phase du Programme.
Dans cette seconde phase, l’Union Européenne, de manière conjointe avec l’état haïtien et ses partenaires, espère la consolidation de l’adoption de l’approche multisectorielle SAN par les autorités et institutions haïtiennes et les partenaires techniques et financiers dans leurs politiques et actions en Haïti à niveau national ; ainsi qu’améliorer l’accès tout au long de l’année à une alimentation saine, nutritive et suffisante, répondant aux besoins nutritionnels des populations en situation de vulnérabilité dans les zones ciblées par l’action, c’est-à-dire la zone du Haut Artibonite, les départements du Nord-Ouest et du Nord-Est ainsi que de développer les systèmes de production, transformation et commercialisation agricole durable dans les mêmes zones précitées plus haut ainsi que dans la zone périurbaine de Port-au-Prince.
Et dans ce contexte, je reprendrai les propos du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), António Guterres, en marge du sommet mondial sur les systèmes alimentaires en 2021. Et je cite : « Il est crucial d’améliorer les systèmes alimentaires pour construire un avenir plus propice à la santé, à l’équité et à la paix. Des systèmes alimentaires améliorés créent un monde où la biodiversité et les écosystèmes sont riches et où les populations sont résilientes et autonomes. »
Pour conclure, je voudrai utiliser les mots de Helen Keller, une écrivaine, sourde-aveugle, conférencière et militante politique, qui a dit : « seuls, nous pouvons si peu; ensemble, nous pouvons faire beaucoup » à ce qui je voudrai ajouter … « ensemble, nous pouvons faire beaucoup, mieux et moins cher ».
Viv Ayiti, viv amitye ki mare pèp nou yo. (Vive Haïti, vive l’amitié qui lie nos peuples).
Mèsi anpil e bon jounen tout moun. . (Merci beaucoup et bonne journée à tous).