« La communauté internationale doit s’opposer aux annexions russes en Ukraine »
Voilà plus de 7 mois, que la Russie de Vladimir Poutine poursuit son agression injustifiable en Ukraine, foulant ainsi aux pieds les principes du droit international de la charte des Nations-Unies et, partant, notre sécurité collective.
Tous les observateurs objectifs ont bien compris que les prétextes avancés par la Russie de Vladimir Poutine pour tenter de justifier sa guerre procèdent d’une rhétorique préventive fallacieuse, consistant à accuser sa victime d’actes qu’elle s’apprêterait à commettre alors qu’elle n’en a jamais eu l’intention. La Russie a déjà utilisé le même procédé en Tchétchénie et en Syrie.
Contrairement à ce que tente de véhiculer la propagande russe, l’Ukraine n’est pas un pays nazi. L’Ukraine n’a jamais entrepris un génocide dans le Donbass. L’Ukraine n’est pas une puissance nucléaire militaire. L’OTAN n’est pas davantage une alliance militaire agressive, mais bien une alliance défensive sans intention belliqueuse à l’égard de la Russie.
La position des autorités béninoises est très claire sur ce sujet et nous nous en félicitons.
En revanche, nous sommes préoccupés de voir régulièrement des influenceurs et autres commentateurs relayer aussi dans des journaux béninois parmi les plus établis ou dans des forums parmi les plus autorisés les narratifs préformatés par la Russie pour ses campagnes de désinformation.
C’est bien le régime de Vladimir Poutine qui est responsable de cette agression.
Selon eux, l’invasion de l’Ukraine par la Russie ne serait qu’une conséquence de l’extension de l’OTAN voire même de l’agrandissement de l’Union européenne, projet politique fondé sur les valeurs de paix, de dignité humaine, de démocratie et de liberté.
Le raisonnement est consternant car ces élargissements se font de manière démocratique et transparente par des pays souverains. Ces deux ensembles ont d’ailleurs tout fait pour maintenir le dialogue avec la Russie. L’évidence est là : ce sont bien les forces russes qui sont entrées en Ukraine et non l’inverse.
En tant qu’ambassadeurs européens au Bénin, nous ne pouvons que marquer notre désaccord avec ces raccourcis intellectuels dangereux professés doctement par quelques anciens universitaires ou diplomates dont les véritables motivations posent question.
D’autres préfèrent se revendiquer du mouvement des « non alignés » pour refuser de condamner l’attitude impérialiste de la Russie. C’est toutefois oublier, ou feindre d’ignorer, que le combat des non-alignés était un combat pour la paix mondiale, qui consistait à refuser de s’allier à l’un ou l’autre bloc et qui ne revenait nullement à accepter des postures expansionnistes et des atteintes à l’intégrité territoriale de pays souverains et indépendants.
Nous préférons réitérer notre solidarité avec le peuple ukrainien meurtri et notre admiration pour son courage et pour la détermination héroïque qu’il oppose à l’envahisseur, malgré les souffrances et les atrocités qu’il endure.
La conscience humaine universelle ne peut en effet qu’être heurtée par l’horreur des crimes commis par les forces russes en Ukraine, révélés notamment par les massacres de Boutcha en mars et d’Izioum en septembre derniers. Après que cette ville de l’Est de l’Ukraine a été libérée par les forces ukrainiennes, plusieurs charniers y ont été découverts, dont des corps de femmes et d’enfants, mais également des lieux de torture.
Il appartiendra bien sûr à la justice internationale de qualifier ces actes pénalement et de juger ceux qui les ont commis, ordonnés ou planifiés. A ce titre, plusieurs Etats-membres de l’Union européenne apportent leur aide à la collecte de preuves et d’informations fiables. La loi du plus fort ne doit pas prévaloir et ne prévaudra pas.
L’Union européenne et ses Etats membres condamnent le simulacre de référendum organisé par la Russie et l’annexion des régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk et des parties des régions de Kherson et Zaporijjia.
Aujourd’hui, troublé de voir ses objectifs militaires contrariés, comme en témoignent les récentes reconquêtes de territoires par les forces ukrainiennes, le Président russe se lance dans une fuite en avant qui met en danger tout l’édifice de la sécurité collective construit au lendemain de la seconde guerre mondiale.
En choisissant l’escalade pour tenter de faire oublier ses défaites sur le terrain, la Russie s’enfonce dans une impasse militaire, diplomatique et politique. Son isolement devient chaque jour plus apparent.
Il convient donc de condamner avec la plus grande fermeté son chantage répété à l’emploi de l’arme nucléaire ainsi que sa récente annonce de l’annexion illégale, au sein de la Fédération de Russie, des régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk et des parties des régions de Kherson et Zaporijjia. Ces régions, comme la Crimée, font partie intégrante de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues. Leur annexion est illégale et les résultats des simulacres de référendum sensés les justifier n’ont évidemment aucune valeur.
L’Union européenne et ses Etats membres reconnaissent pas et ne reconnaîtront jamais cette nouvelle violation de l'indépendance de l'Ukraine. Ni l’escalade, ni la décision unilatérale de la Russie ne changera notre soutien total à l’Ukraine et à son combat légitime et nécessaire pour défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale.
La Russie de Vladimir Poutine s’est évidemment servi de son statut permanent au conseil de sécurité pour empêcher l’adoption, le 30 septembre dernier, d’une résolution condamnant les récentes annexions de quatre territoires ukrainiens.
Nous sommes tous concernés car l’agression russe altère les capacités de l’Humanité à affronter les défis majeurs du 21ème siècle.
A cet égard, nous exprimons notre reconnaissance aux autorités béninoises et au Président Talon, qui défendent des positions lucides et responsables dans les enceintes internationales à travers les appels à la paix, au respect du droit international, à l'instauration immédiate d'un cessez le feu et à l’ouverture de négociations politiques afin de préserver le monde des conséquences d’un conflit planétaire. Nous comprenons aussi que le Bénin rejette fermement l’avènement d’un nouvel âge des impérialismes et du colonialisme où ceux qui s’estiment forts cherchent à soumettre ceux qu’ils considèrent comme faibles.
Alors que l’Humanité est confrontée aux défis majeurs du 21ème siècle dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité alimentaire ou de la lutte contre les effets du changement climatique, il est affligeant de constater qu’elle se trouve obligée de mobiliser aujourd’hui une partie de ses ressources dans une confrontation qui relève d’un autre temps.
Il ne faut pas, en effet, croire que la guerre en Ukraine pourrait se réduire à un affrontement ne concernant que les Européens, comme l’affirme vainement la propagande russe en Afrique. Elle menace l’ensemble de la communauté internationale et l’Afrique au premier chef qui a tout à craindre de l’acceptation tacite d’une logique de recours à la force primaire pour retracer les frontières et de la remise en cause du multilatéralisme, qui, depuis des décennies, pose que les litiges de ce monde se règlent par la négociation en vertu de règles admises au plan international.
L'Union européenne et ses Etats membres ne demandent à personne de choisir entre l'Est ou l'Ouest, entre le Nord ou le Sud. Mais il y a bien un choix à faire. Le choix de l'Union européenne, c'est le respect des frontières plutôt que l'agression. C’est la coopération plutôt que la menace. Et c'est l'ordre fondé sur des règles plutôt que la loi du plus fort.
De surcroît, il est essentiel de bien comprendre que c’est l’agression russe, et non pas les sanctions prises par la communauté internationale pour contraindre la Russie à un cesser le feu et à la négociation, qui a des conséquences néfastes pour le monde en général, et pour l’Afrique en particulier comme la raréfaction ou la hausse des prix des carburants, des céréales ou des engrais. Le haut-représentant et vice-président Borell l’a dit : « les troupes du président Poutine bombardent, minent et occupent les terres arables d’Ukraine, attaquent le matériel agricole, les entrepôts, les marchés, les routes, les ponts en Ukraine et bloquent les ports ukrainiens, empêchant ainsi l’exportation de millions de tonnes de céréales vers les marchés mondiaux. La Russie a transformé la mer Noire en zone de guerre, bloquant les expéditions de céréales et d’engrais en provenance d’Ukraine, mais aussi la marine marchande russe. La Russie applique également des quotas et des taxes sur ses exportations de céréales. Le choix politique délibéré de la Russie consiste à «instrumentaliser» ces exportations et à les utiliser comme outil de chantage contre quiconque s’oppose à son agression ». Les effets d’une crise alimentaire mondiale causée par la Russie se font donc de plus en plus sentir et ce sont bien les pays africains qui sont les plus exposés. L’Union européenne et ses Etats membres sont conscients de ces enjeux et de leur devoir de solidarité avec les populations affectées. Aussi, face à la crise alimentaire mondiale, l’Union européenne et ses Etats-membres ont par exemple doublé leurs financements au Programme alimentaire mondial, bâti des corridors de solidarité permettant d’évacuer des millions de tonnes de céréales par voie terrestre ou porté l’initiative FARM qui permet d’approvisionner les pays vulnérables à bas prix, sans conditions politiques et d’investir dans la production agricole.
Seul le régime de Vladimir Poutine est responsable de cette situation, pas le peuple russe.
Enfin, il est clair que soutenir l’Ukraine agressée ne signifie nullement être en guerre contre
le peuple russe qui est un grand peuple ayant beaucoup apporté à la culture européenne et ayant montré au cours de l’Histoire sa capacité à se dresser contre le totalitarisme.
C’est le régime de Vladimir Poutine que la communauté internationale, dans son ensemble, et fortement mobilisée, doit contraindre à mettre fin à son agression.
A cet égard, les pays attachés au respect du droit international doivent bien comprendre tout l’intérêt qu’ils ont à se joindre à la condamnation du régime russe, suite à l’annexion illégale de quatre territoires ukrainiens, lors de la prochaine assemblée générale des Nations Unies.
Michaël DERUS, ambassadeur d’Allemagne
Martin DEROOVER, chargé d’affaires ai de l’ambassade de Belgique
Marc VIZY, ambassadeur de France
To TJOELKER, ambassadrice des Pays-Bas
Sylvia HARTLEIF, ambassadrice de l’Union européenne